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LE CHOIX EN PMA

 

Comment retrouver de la marge de manoeuvre dans son parcours PMA, grâce à l’accompagnement.

 

Quand je pose la question du choix dans le parcours PMA, on me dit souvent « qu’il n’y a pas de choix justement ». C’est pourquoi je souhaite aborder cette question ici. Pourquoi a -t’on le sentiment de ne pas pouvoir choisir ? Et une fois qu’on a fait ce constat, comment retrouver un peu de marge de manœuvre, un peu de liberté dans son cheminement ?

Etat des lieux – le choix en PMA

Quand on parle de choix, qu’est-ce que cela signifie ?

Le dictionnaire le Robert, nous propose plusieurs définitions :

  • C’est l’action de choisir, de donner la préférence à quelque chose
  • C’est avoir la liberté de choisir entre plusieurs choses
  • C’est l’ensemble des choses parmi lesquelles on peut choisir
  • C’est l’ensemble des éléments choisis pour leurs qualités

En matière de PMA, j’ai pu constater très souvent qu’un élément essentiel est défaillant, si je m’en tiens à ces définitions. il manque l’ensemble des éléments, ou des choses, justement, parmi lesquelles on pourrait opérer un choix.

Non pas parce qu’elles n’existent pas. Insémination artificielle, les FIV, ICSI ou pas, l’accueil d’embryons avec dons de gamètes (Sperme, ovocytes, embryons), les méthodes sont diverses.

Très souvent, je me rends compte que les personnes concernées ne connaissent pas les différentes options ou sont à tout le moins perdues.

Face au langage médical, complexe, et soumis à une situation qu’on ne souhaite pas, on se sent dépassé et on n’ose pas contester ou questionner.

On entre dans le protocole comme dans une voie inconnue et unique où tout est balisé par un process. Tout est prévu, sans qu’on vous demande votre avis, la plupart du temps, sans même qu’on vous explique parfois. Je constate avec les personnes que je reçois qu’on se sent rapidement dépossédé de la liberté de choisir.

Dans nos sociétés, et en psychologie sociale, le fait de pouvoir choisir librement est un marqueur du passage à l’âge adulte. Dans les parcours de PMA, quand j’entends mes patients évoquer leur relation au médecin, il me vient l’image d’un retour à une position d’enfant face à l’adulte. Et ils ont la sensation très fréquente d’être infantilisé. On peut penser que c’est souvent le cas face aux médecins en général et que c’est avant tout lié à la position sociale du praticien, et à la dimension du savoir qu’il représente. A mon sens, ce sentiment de position « inférieure » du patient face au médecin, est renforcée par une position de sollicitation dans une situation de détresse bien souvent. Le médecin peut faire figure de sauveur.

Le parcours PMA suppose de faire un deuil important, celui de sa fertilité et d’une grossesse naturelle. On est souvent désemparé lorsqu’on arrive dans le cabinet du praticien qui va mener le protocole ou tout au moins accompagner le parcours. Le médecin joue alors un rôle important de facilitateur, de sachant, auquel on choisit ou pas de s’en remettre. Ici on actionne souvent notre capacité de choisir, et souvent dans le sens de la confiance envers son praticien. Je ne sais pas quelles sont mes options, mais je sors d’un constat d’échec et je dois faire le deuil de mon projet initial. Le médecin représente l’espoir alors je lui fais confiance. Et même si je ne suis pas totalement à l’aise avec cela, je suis dans l’incapacité de questionner.

Pourquoi ?

« Choisir c’est renoncer » disait André Gide. Mais ici je renonce à quelque chose de plus grand que soi, une raison d’être, une raison de vivre pour certains, un désir qui, s’il n’est pas assouvi, peut bouleverser son projet de vie. Plus l’enjeu est grand, plus la démarche de choix est difficile. Par ailleurs, le choix donne l’illusion du libre arbitre. Et le libre arbitre doit être pondéré par la marge de manœuvre.

En effet, on peut avoir la liberté de choisir, être en plein possession de son libre arbitre mais on doit composer avec ses moyens, sa capacité d’action, qui est très limitée dans les situations d’infertilité. Notamment parce qu’ici, on n’a pas l’éventail des possibles. On n’a pas la connaissance ni l’expertise. Alors comment choisir ?

La présence du médecin prend ici tout son sens. On décide, plus ou moins de faire confiance à son expertise. Malheureusement bien souvent, je constate que cette « décision » fait long feu.

Dans mon cabinet les personnes arrivent très souvent avec un lourd bagage émotionnel dû au manque d’information ressenti. Ils ne savent pas quelles sont les options dans leur parcours, ou au moins, quelles possibilités s’ouvrent à eux si la FIV ne fonctionne pas (par exemple), ils ne connaissent pas les détails du traitement qui leur est proposé et ont le sentiment qu’on ne prend pas le temps de leur expliquer. Ainsi j’ai vu des personnes phobiques des piqûres qui ne savaient pas qu’elles allaient devoir subir des injections et étaient freinées dans leur parcours à cause de cela. D’autres n’avaient pas connaissance des possibilités de dons de gamètes. Ce défaut d’information est au moins un ralentisseur dans le processus, voire un élément bloquant.

Tristesse, colère, découragement. Ces personnes arrivent avec ces émotions à évacuer et ne savent plus comment avancer. Ainsi, au final, pressés par la situation, ils se trouvent dans une situation de dissonance cognitive (écart entre son désir et ses choix, ses actions). On devrait pouvoir choisir mais on a peu de capacité d’action et on est pressé par le temps.

Alors comment on fait pour sortir de cela et alléger son sac-à-dos émotionnel ?

Comment on se réapproprie sa capacité de choisir grâce à l’accompagnement.

  • Questionner le désir

Dans mon cabinet, souvent, la première question que je pose = quel est votre désir ?

Pour pouvoir faire un choix il faut contacter son désir. Alors souvent la réponse c’est « avoir un enfant » bien sûr. Mais, en creusant, c’est toujours un peu plus complexe que cela.

« je veux avoir un enfant avec mon mari »

« je veux avoir une famille avec 2 enfants »

« je veux un enfant pour transmettre mes valeurs » etc etc

Et la plupart du temps, après le « je veux », j’entends un « mais »…

C’est là que l’accompagnement individuel prend son sens. Car ici mon rôle c’est de creuser et de débusquer tous les mais. Cela ne remet pas en question la décision initiale bien entendu.

En PMA, on a décidé d’avoir un enfant, mais ici il est important de savoir pourquoi on veut un enfant pour être en mesure d’avancer vers les bonnes décisions. En effet, il est important d’être en pleine capacité de décider quand on entre dans certains protocoles. Faire le bon choix c’est savoir pourquoi vous le faites afin de pouvoir l’assumer et le vivre pleinement, sans regrets. Ainsi, en séance je vais questionner les empêchements.

Dans les sciences cognitives, on a pu démontrer que les choix s’opèrent en 2 temps :

  • Examen des options possibles avec élimination des solutions non compatibles pour soi
  • Comparaison des solutions restantes avec tentative de rationalisation (les pour les contres)

Ainsi il y a des solutions qui sont « non compatibles pour soi », c’est-à-dire qu’elles sont bloquées par des empêchements.

Je vous invite ici à vous reporter au travail d’Estelle Métrot, qui est psychopraticienne et analyste transgénérationnelle, experte du sujet. Elle a mis au point la méthode d’accompagnement que je pratique et notamment une grille de lecture qui permet de mettre en évidence les éléments d’empêchement en 7 grands thématiques.

Quelques exemples : la famille, le couple, le psychique, l’environnement social etc. Pour résumer nous observons des injonctions inconscientes provenant de 7 champs qui interfèrent dans nos décisions. Dans le parcours d’accompagnement on va venir questionner ces espaces afin de libérer de la place et retrouver un peu de marge de manœuvre. Et, idéalement on va aller chercher des ressources pour accompagner nos choix.

  • L’information

Avant tout, je questionne également le niveau d’information des personnes que je reçois, afin de les accompagner dans leurs demandes.

Ainsi, il arrive souvent que les personnes que j’accompagne butent sur le choix de la clinique, lorsqu’ils doivent se rendre à l’étranger. Dans ces cas, je les invite, par exemple, à établir la liste des critères prioritaires pour eux et de préparer leur liste de questions, exhaustives, avant de contacter les cliniques, afin d’établir une grille comparative.

C’est très concret mais c’est parfois utile parce qu’encore une fois, souvent, on n’a pas les codes de lecture face aux équipes médicales et préparer ses RDV aide à libérer l’écoute et à enregistrer (voire écrire) les réponses.

Je renseigne également au maximum les personnes qui viennent à moi, en leur donnant les informations que je suis en mesure de donner. J’essaie d’éclairer leur lanterne.

Cela participe à la mission de libérer de l’espace pour pouvoir retrouver de la marge de manœuvre dans le parcours.

  • Ecouter ses ressentis

Si je reprends la définition des sciences cognitives, on examine les options et on élimine ce qui n’est pas compatible pour soi.

En séance je propose un exercice très concret qui permet d’examiner les options et surtout de comprendre comment certains choix peuvent heurter l’un des champs évoqués un peu plus haut (empêchement).

Ainsi, très concrètement je demande à la personne présente de dessiner la croisée des chemins à laquelle elle se trouve aujourd’hui et d’envisager les différentes voies possibles.

Et, avec un questionnement approfondi de ma part, elle va aller questionner les ressentis, les émotions, les blocages provoqués par chaque solution envisagée.

Ainsi, on va observer les chemins envisagés (a-t-on intégré le don dans les voies possibles ? l renoncement ? etc).

On va se projeter sur chaque voie considérée voire, si possible on va « marcher » sur chaque chemin, pour aller ressentir ce qui s’en dégage.

Cet exercice permet d’identifier certains empêchements mais surtout d’ouvrir d’autres voies qu’on va aller travailler ensuite pour trouver des ressources.

En résumé, je reviendrai simplement sur le constat d’impuissance qu’on ressent lorsqu’on est dans un parcours tel que celui de la PMA, et sur l’importance de retrouver de la marge de manœuvre pour alléger sa charge mentale et pouvoir trouver des ressources porteuses.

Choisir c’est renoncer mais bien choisir c’est avancer sans regret.

 

Marianne Fernandes Barbier